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09/05/2023

Pomme de terre : Miser sur le végétal pour plus de performance

 

Contexte

 

La culture de pomme de terre est très importante dans la région des Hauts-de-France. En effet, malgré une faible part de surface dans la SAU régionale (5,9%), cette culture génère 1 529 millions d’euros soit 35% du chiffre d’affaires végétal (Agreste, Mars 2023). Ce fort poids économique dans les systèmes agricoles du nord de la France rend la réussite de la culture de pomme de terre capitale pour la viabilité de ces exploitations.

 

Les différentes opérations culturales sont donc primordiales afin d’assurer de bons rendements. L’une des étapes clefs concerne la phase d’implantation.

Le besoin d’acquérir un grand volume de terre fine et une faible proportion de résidus végétaux a historiquement favorisé les pratiques de labour notamment ceux d’hiver. En 2017, environ 80% des surfaces de pomme de terre subissent cette pratique (Agreste, 2017).

Surfaces de grandes cultures implantées sans labour en France métropolitaine
(Source : Agreste - Pratiques culturales en grandes cultures 2017).

 

De plus, la nature limoneuse à limono-argileuse des sols de cette région les rendent fragiles face à de nombreux phénomènes (érosion, battance, tassement). Il est donc primordial de préserver et régénérer ces sols afin de conserver des systèmes agricoles durables économiquement et agronomiquement.

 

 

 

Faire évoluer les pratiques pour améliorer sa performance 

 

Nous avons pu voir dans notre précédent article (Couverts végétaux : produire de la biomasse pour restituer de l'azote) l’intérêt de maximiser la couverture du sol en hiver par des couverts végétaux. Cette action doit passer par l’allongement des durées de couverture qui n’est possible qu’à condition de n’effectuer aucune perturbation du sol en hiver.  Il semble donc inéluctable que le labour soit substitué par des techniques de cultures simplifiées (TCS) ou de pré-buttage dans cette optique de couverture des sols.

 

Dans ce contexte, nous accompagnons et conseillons les agriculteurs sur l'évolution de leurs pratiques agricoles en fonction de leurs problématiques. 

 

En se fixant comme objectif d’évaluer et de quantifier les intérêts du non-labour en pomme de terre, quatre essais ont pu être mis en place en 2022 sur quatre variétés différentes :

  • Markies (marché industrie)
  • Amigo (marché industrie)
  • Manitou (marché conso)
  • Agria (marché conso)

Sur l’ensemble de ces essais, un témoin labour a pu être comparé à des modalités de TCS et de pré-buttage. Les pratiques ont différé selon le matériel présent chez chaque agriculteur, elles ont donc été regroupées en quatre catégories :

  • Témoin Labour
  • TCS avec une différenciation entre des itinéraires techniques avec fraise ou herse rotative (TCS Fraise / Rotative)
  • Pré-buttage (PB) Fraisé qui correspond à une reprise de la butte par une fraise
  • PB non Fraisé avec une fissuration de la butte avant plantation mais sans utilisation d’outils animés.

Différents paramètres ont été suivis afin d’avoir la vision la plus complète possible des modes d’implantations étudiés. Dans cet article nous vous présenterons les résultats suivants :

  • Mesures de la vigueur de levée,
  • Taux de tubérisation,
  • Rendements commercialisables selon les calibres,
  • Temps de travail et répartition dans l’année.

Les résultats de ces notations ont été agrégés ensemble malgré des différences de contexte pédoclimatique, de variétés et de conduite culturale entre chaque agriculteur. Cette variabilité explique en grande partie les écart-types importants de nos jeux de données.

 

Nous nous sommes également intéressés au volume horaire et à la répartition de celui-ci afin d’identifier d’éventuelles surcharges de travail en non-labour. Cette quantification s’est faite à partir des données de référence du barème d’entraide 2022-2023 de la Chambre d’agriculture de l’Aisne.

 

Peu d'effets sur les dynamiques de levées 

 

D’après nos résultats, le TCS a favorisé de manière significative la vigueur de levée par rapport au Labour avec +34% de levée (pvalue=0,001). En revanche, nous n’observons pas de différence significative entre le Labour et les PB Fraisé et Non Fraisé (respectivement pvalue=0,22 et pvalue=0,29) bien que la tendance soit à la hausse.

 

Nous avons émis l’hypothèse qu’une meilleure vigueur de levée pourrait entraîner un meilleur rendement. Cependant, avec nos données, nous n’obtenons pas de corrélation entre ces deux paramètres (coefficient de corrélation=-0.13). Néanmoins, une vigueur de levée favorisée pourrait permettre d’avoir des plants potentiellement moins sensibles aux attaques de bioagresseurs comme le rhizoctone par exemple. Le TCS présente ainsi un avantage par rapport au labour concernant la vigueur de levée dans nos conditions d’essais au cours de l’année 2022.

 

 

 

Pas d'effet du travail du sol sur le taux de tubérisation

 

Le suivi du taux de tubérisation n’a montré aucun écart significatif entre les différentes modalités (pvalue >0.05). Le travail du sol n’a donc pas d’impact sur cette mesure.

 

 

 

 

Réduire le travail du sol pour produire plus

 

La campagne d’essai 2022 comprenant 16 mesures de rendement par modalités étudiés nous permets d’annoncer que les rendements en TCS sont significativement plus élevés qu’en Labour (pvalue=0,014). Concernant les pré-buttages Fraisé et Non Fraisé, aucune différence significative de rendement avec le Labour n’a été constatée (respectivement pvalue=0,259 et pvalue=0,785).

De ce fait, nos résultats suggèrent que non seulement il n’y a pas d’impact sur le rendement en PB par rapport au labour, mais qu’en plus le TCS a un meilleur rendement que le labour dans nos conditions d’essais.

 

 

 

Si nous regardons plus en détail les déclinaisons de la modalité TCS (Fraise ou Rotative), on se rend compte que c’est surtout le TCS Fraise qui influence de manière positive le rendement par rapport au Labour (pvalue=0,006).

En effet le TCS Rotative ne présente pas de différence significative avec le Labour (pvalue=0,074) toutefois le pvalue s’approche fortement de 0,05 indiquant une tendance à faire plus de rendement en TCS rotative VS Labour.

 

 

 

 

 

Un temps de travail à l'hectare en diminution... 

 

L’ensemble des modalités de réduction du travail du sol montrent une baisse du temps de travail à l’hectare effectué du semis des couverts (août) à l’implantation de la pomme de terre (avril/mai). Cette diminution est la plus forte pour le PB non Fraisé avec 98 minutes gagnées/ha par rapport au témoin labour. C’est ensuite la modalité TCS rotative qui permet d’économiser le plus de temps (54 minutes/ha) suivi du TCS Fraise et du PB Fraisé (respectivement 44 minutes/ha et 38 minutes/ha).

 

Ce gain de temps est principalement permis par l’arrêt du labour qui se voit être remplacé par des passages de broyeur et/ou de pulvérisateur (destruction chimique du couvert végétal), interventions moins chronophages. Le travail du sol effectué à la plantation est généralement réduit entre le labour et les autres modalités, notamment pour le PB non Fraisé (outil à dent et plantation direct).

 

Ce plus faible travail du sol est possible grâce au couvert végétal mis en place durant l’hiver. En effet, l’action des végétaux au travers de leurs activités racinaires permet de conserver une bonne structure du sol. Leur destruction à la fin de l’hiver entraînant leur minéralisation au printemps nourrit la vie biologique du sol. L’action de cette dernière est également bénéfique à la structuration du sol ce qui offre ainsi la possibilité de réduire le travail du sol réalisé à l’implantation.

 

La modification de l’itinéraire technique se traduit par des changements de pratiques à des périodes différentes. Il est donc également intéressant d’analyser la répartition du temps de travail au cours de l’année.

 

 

... et une répartition du travail dans l'année modifié

 

Nous nous intéressons ici à un intervalle de temps allant du semis du couvert jusqu’à l’implantation de la culture. Trois périodes ont pu être ainsi distinguées :

  • Fin d’été/automne: d’août à octobre
  • Hiver: de mi-novembre à février
  • Printemps: de mars à juin

Sur la première d’entre-elles, deux modalités se distinguent particulièrement. En effet, les PB Fraisé et non Fraisé doublent pratiquement le temps consacré à l’implantation des couverts. Cette augmentation est justifiée par le passage d’un buttoir (formation des buttes), à l’inverse des autres modalités qui en sont dispensées.

Les très faibles écarts entre labour et TCS s’expliquent par des différences de mode d’implantations entre agriculteurs.

 

Les résultats s’inversent lors de la seconde période puisque le témoin ressort par rapport aux autres modalités du fait d’un labour d’hiver. Le temps consacré dans les deux TCS correspond à un passage de broyeur et/ou de pulvérisateur visant à détruire le couvert végétal en place.

 

Enfin, lors de l’implantation le témoin labour est la modalité nécessitant le plus de temps de travail. Ce temps diminue ensuite pour les TCS et les PB avec un écart important concernant le PB non Fraisé. En effet, le passage d’un seul outil à dent avant la plantation permet de baisser fortement le temps consacré à ce chantier.

Finalement le temps dédié à la culture de pomme de terre varie très peu au cours de l’année entre le labour et les différents TCS. A l’inverse, les PB se démarquent du labour par une période de travail plus importante à l’automne et plus faible en hiver et au printemps.

 

 

 

Bilan : Miser sur le végétal et réduire le travail du sol pour gagner en performance

 

En conclusion, nos résultats mettent en évidence l’intérêt du TCS par rapport au Labour sur les points suivants :

  • La vigueur de levée
  • Le rendement net commercialisable (surtout avec une Fraise plutôt qu’avec une Rotative)
  • Le temps de travail

Nos résultats montrent également que le Labour et le Pré-Buttage ont des vigueurs de levée et des rendements similaires mais que les Pré-Buttages permettent un gain de temps considérables en comparaison au labour (-38min/ha en Fraisé et -98min/ha en Non Fraisé).

Ces résultats sont représentatifs d’une seule année d’expérimentation dans des conditions données. Ils nécessitent donc d’être consolidés avec d’autres années d’observation mais ils sont encourageants en faveur de la diminution du travail du sol.

 

Continuer à capitaliser des données pour un maximum de fiabilité

 

C’est ce que nous ambitionnons de faire au cours de l’année 2023. Quatre parcelles seront suivies sur la même thématique travail du sol, dont deux d’entre-elles où nous nous concentreront d’avantage sur la problématique « eau ».

En effet, il se pourrait que l’impact neutre ou positif du non-labour sur le rendement puisse s’expliquer par une meilleure préservation de l’humidité du sol. Sachant que 88% des variations de rendement sont dues aux précipitations lors du cycle de la pomme de terre (Jiang et al., 2021), il nous paraît pertinent d’étudier l’aspect de la ressource en eau.

 

Nous mènerons donc cette année un essai centré sur l’étude de la ressource hydrique en fonction du travail du sol (Labour et TCS) en pomme de terre. L’objectif est ainsi de déterminer si les différences de rendement s’expliquent par une meilleure rétention de l’eau en TCS par rapport au Labour.

 

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