Couverts végétaux : produire de la biomasse pour restituer de l'azote
Nous sommes dans le contexte du Nord-Pas-de-Calais où les cultures d’industrie (pomme de terre, betterave, lin, pois, haricots) sont au centre des systèmes agricoles. Les rotations types de la région alternent culture de printemps et culture d’automne ; ces enchaînements donnent de bonnes opportunités pour le développement des couverts végétaux.
Les sols sont généralement limoneux à limoneux-argileux et présentent de très bons potentiels de production. Toutefois ce sont également des sols fragiles (sédimentaires), sensibles à l’érosion, au tassement et à la battance.
Partant de ce constat, les couverts végétaux peuvent être un moyen de protéger, restructurer et fertiliser les sols durant la période d’interculture.
Pour ce faire, nous accompagnons les agriculteurs afin qu’ils mettent en place une stratégie de gestion des couverts végétaux performante. En résumé, celle-ci repose sur 4 principes fondamentaux :
- Une implantation la plus précoce possible
- Un temps de couverture maximal (C/N faible pour destruction tardive et gestion facilitée des résidus)
- Une diversité d’espèces semées
- Une proportion de légumineuses d’au moins 30%
Avant toute chose, il faut mettre les racines dans les meilleures conditions possibles afin que la croissance du couvert végétal se déroule au mieux. Pour cela, il est primordial d’étudier les structures du sol pour identifier les éventuelles zones de tassement/lissage afin d’effectuer, si nécessaire, le travail du sol le plus adapté avant le semis.
L’objectif est d’avoir de la verticalité dans les sols afin que les racines du couvert végétal puissent descendre et la maintenir dans le temps. « Une racine n’est pas un marteau-piqueur, elle exploite une fissure ».
Ensuite, le mélange parfait d’espèces de couvert végétal n’existe pas. Un mélange performant est un mélange adapté au cas par cas en fonction :
- Du contexte pédoclimatique,
- Du positionnement dans l’assolement,
- Des objectifs visés,
- Des pratiques et des moyens de chaque agriculteur.
On cherchera néanmoins à toujours apporter une diversité d’espèces dans notre mélange, avec au moins 30-40% de légumineuses.
De plus, on choisira des espèces et des variétés avec des cycles adaptés dans un objectif de garder des résidus avec un C/N faible. Cela nous permet de garder les sols couverts par des plantes vivantes le plus longtemps possible (4 à 6 semaines avant la culture de rente). Ces deux éléments permettent de :
- Maintenir une activité racinaire dans un contexte de sol très sédimentaire
- Avoir une dégradation rapide des résidus
- Eviter une immobilisation de l’azote due à la dégradation des résidus (faim d’azote)
Prenons l’exemple d’un couvert végétal composé de phacélie, radis fourrager, vesce velue d’hiver, trèfle d’alexandrie multi coupe et niger. Un broyage à l’automne pourra être effectué pour détruire les espèces montées à fleur (fin de croissance végétative et montée du C/N) et ainsi laisser le relais aux légumineuses jusqu’en sortie d’hiver.
Dans le but d’illustrer nos propos, nous avons compilé les résultats obtenus lors du suivi des couverts végétaux au cours des années 2021 et 2022.
Une production de biomasse qui paraît optimale avec un semis entre juillet et août
La figure 1 représente la biomasse produite par le couvert en fonction de sa date de semis. On constate une corrélation négative modérée (coefficient = -0.42) : plus le couvert est semé tard, moins la biomasse produite sera importante.
Il faut néanmoins être vigilant sur cette conclusion puisque le R² n’est que de 0,18. Cette valeur signifie que 18% de la variation de la biomasse peut être expliquée par la date de semis selon notre jeu de données. En effet, d’autres facteurs extérieurs qui ne sont pas pris en compte ici, influencent également la biomasse du couvert (pluviométrie, nombre d’espèces, disponibilité de l’azote, etc.).
Les résultats obtenus entre la dernière quinzaine de juillet et la première d’août ne montrent pas de baisse de biomasse malgré une date de semis plus tardive. On estime que les conditions climatiques, notamment le nombre de degrés jours (DJ), sont suffisamment similaires pour limiter l’impact d’un semis plus tardif. De plus, selon les secteurs, des précipitations début août ont pu favoriser les couverts végétaux semés à cette période.
A l’inverse, la dernière quinzaine d’août et les mois de septembre et d’octobre montrent une baisse systématique de la biomasse produite. On suppose ici, que la diminution du nombre de DJ est l’une des principales raisons expliquant cette plus faible productivité malgré la présence de précipitations (Chambre d’agriculture des landes, 2017).
Figure 1 : Biomasse aérienne produite selon la date de semis
Une quantité d’azote restituée majoritairement liée à la biomasse produite
La figure n°2 représente la quantité d’azote restituée par le couvert végétal (kg/ha) en fonction de la biomasse produite (tMS/ha). Les 2 variables ont une corrélation positive forte (coefficient de corrélation = 0.84) : plus on produit de biomasse, plus la quantité d’azote restituée est importante. Nous obtenons un R² de 0.7 donc 70% de la variation de l’azote restitué est expliquée par la production de biomasse végétale.
Ceci s’explique par le fait qu’un couvert avec une biomasse plus importante absorbera plus d’azote lors de son développement et en restituera ainsi plus à sa minéralisation (Cultivar, 2020).
Figure 2 : Azote restitué selon la biomasse produite du couvert végétal
Des restitutions d’azote augmentées avec la présence de légumineuses dans les couverts végétaux
Nous avons émis l’hypothèse que la présence de légumineuses dans le mélange pouvait également influencer l’azote restitué et la biomasse produite. Les résultats obtenus (figure n°3) montrent qu’il existe une différence significative d’azote restitué et de biomasse produite (respectivement p-value=0.02 et 0.03) entre les mélanges avec et sans légumineuses. Toutefois, ces résultats sont à relativiser au vu du faible nombre d’observations pour les mélanges sans légumineuse (n=9).
Cette observation semble néanmoins logique puisqu’il est bien connu que des espèces en mélange ayant une complémentarité de niche sont plus productives que des espèces en pure (Justes et al, 2014) :
- Au niveau racinaire : les ressources sont mieux exploitées puisque les espèces présentent des vitesses et des profondeurs d'enracinement différentes.
- Au niveau de la source d’azote utilisée : les légumineuses privilégient l’azote atmosphérique tandis que les autres espèces utilisent l’azote minéral du sol.
Figure n°3 : Azote restitué et biomasse produite en fonction de la présence de légumineuses dans le couvert végétal (test de Wilcoxon)
En conclusion, nous pouvons ainsi dire, d’après nos résultats et dans notre contexte, qu’une implantation précoce en juillet-début août permet de produire plus de biomasse et par conséquent d’accumuler et de restituer plus d’azote pour la culture suivante. De plus, en intégrant des légumineuses dans le mélange, on peut augmenter significativement ces deux paramètres.
Ces tendances seront à confirmer en multipliant le nombre d’années d’observation, d’autant plus que les années 2021 et 2022 étaient contrastées d’un point de vue climatique. Dans un contexte futur où les conditions limitantes en eau seront plus fréquentes, le développement d’essais sur l’implantation des couverts végétaux semble crucial.
C’est la mission que s’est fixée GreenSol pour cette année 2023 en mettant en place des expérimentations sur les effets de la profondeur de semis.